mercredi, avril 09, 2008

Lust, Caution : vous pourriez y prendre plaisir…


Dernière œuvre d’Ang Lee (Brokeback Mountain), Lust, Caution est un suspense érotique pour le moins captivant où l’amour, la luxure et la trahison sont des acteurs de premier plan. Âmes sensibles s’abstenir :
la sensualité et la provocation règnent ici en maîtres.


Deuxième Guerre mondiale : la Chine est occupée par les Japonais. Dans ce climat d’extrême tension, les cellules révolutionnaires pullulent. Un groupe d’étudiants, troupe de théâtre universitaire, complote l’assassinat d’un agent secret redoutable à la solde des Nippons. Le rôle de Wong Chia Chi (étonnante Tang Wei) ? Le séduire. Amateurs, ils ne sauront pas dans quel guêpier ils viennent de se fourrer.

Là où l’Histoire et le cinéma se rencontrent
Ayant remporté le Lion d’Or du meilleur film à la 64e Mostra de Venise en 2007, Lust, Caution, inspiré d’une nouvelle d’Eileen Chang (1950), témoigne d’un souci de véracité historique des plus intéressants. La Chine des années trente et quarante, plus particulièrement Shanghai et Hong Kong, sont de véritables foyers cosmopolites plus que teintés de l’influence de la culture occidentale. Que ce soit dans l’organisation des rues, le dessin des façades des maisons et boutiques ou dans les habitudes de consommation, voitures et cigarettes américaines, vêtements à l’européenne, les métropoles chinoises grouillent de contradictions – et de vie.

À une époque où sévit l’enrôlement de presque tous les jeunes hommes valides et où la plupart des gens sont contraints de se nourrir via des tickets de rationnement, on peut difficilement imaginer qu’il puisse exister, en parallèle, une poignée d’épouses oisives tuant leurs journées à faire les boutiques et à jouer au mah-jong. Pourtant, c’est en se joignant à elles que Wong Chia Chi réussira à s’incruster dans l’univers de M. Yee (époustouflant Tony Leug), l’homme qui doit tomber dans ses filets. En effet, en se glissant dans la peau de Mak Tai Tai, soi-disant épouse d’un homme gagnant sa vie dans l’import-export, Wong Chia Chi parvient à imposer de façon naturelle sa présence dans la maison des Yee.


Passion fusion
Avant d’aller plus loin, il m’apparaît utile de mentionner qu’au départ, Wong Chia Chi semble n’avoir accepté de prendre part au stratagème que pour les beaux yeux de son metteur en scène, Kuang Yu Min (admirablement bien rendu par Wang Leehom). Mais la jeune femme en quête d’elle-même interprétée par Yei sera troublée par le mystérieux M. Yee, jusqu’à s’y abandonner d’abord avec retenue, puis avec une passion quasi autodestructrice. Prise au piège entre son devoir envers ses compatriotes et son amour pour un homme cruel, elle devra toutefois choisir.
Porté par une distribution étonnante, Lust, Caution nous emmène aux confins du désir et de la convoitise. Pour une première apparition au grand écran, Tang Wei (Wong Chia Chi/Mak Tai Tai) ose avec brio transgresser les limites de la simple suggestion…

Ce suspense lubrique titille notre esprit pervers. Les quelques scènes érotiques pas piquées des vers sont tout aussi intenses que le jeu des acteurs. Langoureuses et parfois imprégnées d’une certaine violence, elles témoignent avec justesse de l’emprise de M. Yee sur la jeune Wong, plus éprise à chaque rendez-vous. On en vient à se demander si, vraiment, elle tombe amoureuse de lui ou si elle joue plutôt son rôle de Mak Tai Tai à fond pour parvenir à ses fins. Car elle succombe au charme de sa proie, qui le lui rend avec une sincérité touchante (et étonnante), et ce, rappelons-le, alors qu’elle avait d’abord accepté cette mission pour une tout autre raison.

Critique vs public
Malgré que la critique et les médias aient encensé le Brokeback Mountain d’Ang Lee, il est regrettable qu’il en ait été autrement du point de vue du public. Le réalisateur sait pourtant user de façon extraordinaire de son art pour mettre en valeur un scénario et des émotions intenses. Serait-ce que le public n’est pas prêt à recevoir ses histoires ? Pourtant, l’extrême et sublime sensualité de Lust, Caution n’est pas sans rappeler les tribulations des deux cowboys… L’ardente complexité des relations de ces protagonistes trouble-t-elle nos idéaux amoureux ? Pourquoi l’intimité jouée inspire-t-elle tant de retenue auprès du public alors que critiques et cinéphiles en redemandent ?

Voir le dossier de presse de Lust, Caution